Paris 2024 – La piscine olympique en plein remous
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publié le 15/05/

2020 à 08:45 , modifié le 15/05/2020 à 09:28

Alors que la Métropole du Grand Paris va officialiser cet après-midi le choix du groupement Bouygues-Dalkia-Recrea pour construire et exploiter la piscine olympique pour les Jeux de Paris 2024, l’entourage de son concurrent Vinci s’insurge. Jusqu’au dernier moment il y aura des vagues.

Elle est avec l’Arena de la Porte de la Chapelle, l’unique enceinte sportive pérenne que Paris 2024 doit construire. On ne parle pas du complexe aquatique démontable de 15 000 places où se disputeront les épreuves de natation course mais bien de « la piscine en dur ». Juste en face du stade de France, elle accueillera la natation artistique, le water-polo et le plongeon. A deux pas de la basilique Saint-Denis, un temple dédié à la natation va voir le jour, ce vieux serpent de mer va enfin sortir la tête de l’eau.

Le Président de la Métropole du Grand Paris (MGP), Patrick Ollier, a convoqué 24 élus ce vendredi à 15 heures. Une réunion exceptionnelle du Conseil métropolitain avec « gestes barrières » pour faire sauter le dernier barrage dans l’attribution du contrat de concession de la piscine olympique, c’est plutôt cocasse. Il veut recevoir leur aval pour officialiser son choix, car comme il le précise dans le courrier que nous nous sommes procuré : « Nous ne pouvons plus retarder la décision afin que le candidat retenu puisse poursuivre le développement du projet. »

Sous les projets la plage
Le choix ce serait donc porté sur l’entreprise Bouygues. Bien évidemment, cela fait tiquer du côté de son concurrent Vinci et surtout de ses architectes qui, après deux années d’investissements financiers et humains, voient ainsi passer sous leur nez un marché de près de 150 millions d’euros. Une guéguerre entre mastodontes du BTP, rien que du classique me direz vous. Mais l’argent dépensé étant celui des contribuables et le stade nautique un bâtiment que la natation française attend depuis des lustres, on s’est donc plongé dans le dossier.

En 2018, un appel à candidature pour la piscine est lancé. Dans le cahier des charges de la consultation, il est clairement notifié que la piscine doit comporter 2 bassins distincts : un de 50 mètres (pour accueillir les épreuves de water-polo et de natation artistique durant les JO) et un autre de 25 mètres pour le plongeon, ces deux bassins devant être séparés par une plage solide de 9 mètres. Il est d’ailleurs précisé que cette donnée contraignante « répond aux besoins pour l’accueil d’évènements internationaux de niveau 4 », les plus grandes compétitions internationales à l’exception des Championnats du Monde de natation en bassin de 50 mètres, championnats que l’enceinte ne peut accueillir, son affluence en mode compétition n’excédant pas 6 000 spectateurs alors que la jauge minimum requise est de 15 000 places.

Bassin unique
Bouygues ne propose qu’un seul bassin de 70 m de long avec plage amovible, projet pourtant retenu. S’il a l’avantage d’être moins cher, nous confie un proche du dossier (le coût diffère de 5,5%), c’est parce que ce bassin unique offre une surface utile moindre (environ 200 mètres cubes), entraîne une réduction du bâtiment (10% de surface construite en moins) et ne nécessite qu’un système de filtration. Ce projet ne répond pas aux critères initiaux. Dans la délibération justifiant son choix, la Métropole du Grand Paris valide d’ailleurs le fait qu’il ne réponde pas aux normes en précisant que « la nouvelle conception du bâtiment sera néanmoins approfondie pour apporter toutes les garanties quant à l’attractivité de l’équipement pour les organisateurs de grandes compétitions ». Ces fameuses manifestations de niveau 4.

D’après nos informations, la Fédération Internationale de Natation (FINA) aurait quand même notifié, fin avril, aux organisateurs que leur proposition ne permettra pas d’accueillir simultanément des compétitions de natation et de plongeon après les Jeux. Pas un problème rétorque-t-on du côté de la MGP. Les 2 championnats d’Europe, qui doivent être contractuellement organisés dans les 15 années suivant le grand rendez-vous olympique et paralympique de 2024, pourront s’y dérouler. Vrai si l’on prend le programme des championnats d’Europe 2020 de Budapest (repoussés en 2021 pour cause de Covid-19) : la natation course se déroule la première semaine, la natation artistique et le plongeon la deuxième. Incompatible en revanche si l’on prend le programme des championnats d’Europe de Glasgow en 2018 où plongeon et natation se chevauchaient. Il faudra bétonner le lobbying avec la Ligue Européenne de Natation (LEN) pour trouver un programme adapté.

Recours de vague
Pour contrecarrer ce choix d’un bassin unique, alors qu’initialement il en était demandé deux bien séparés, des partenaires du projet Vinci agitent le spectre d’un recours pour non respect du cahier des charges. Le maître d’ouvrage n’ayant pas – comme l’impose le code des marchés publics – demandé au Groupement Vinci de travailler sur la variante d’un bassin unique. Pour le Préfet Paul Mouriet, Directeur Général des Services de la Métropole du Grand Paris, il s’agirait d’un coup d’épée dans l’eau, puisque nous ne sommes pas là dans un contrat de marché public mais dans un contrat de concession. Par ailleurs, Vinci, deuxième groupe mondial des métiers de concessions et de la construction, ne semble pas vouloir jouer « mauvais perdant » et prendre le risque de se mettre à dos des décideurs qu’il pourrait retrouver lors de l’attribution de prochains marchés.

L’héritage
Une fois la flamme éteinte, la piscine abritera le Pôle National de haut niveau pour le plongeon mais pas seulement. Le groupement Bouygues-Dalkia-Recrea table en effet sur une fréquentation annuelle de 950 000 entrées : 680 000 pour le centre nautique et 270 000 pour les activités annexes (mur d’escalade, foot 5×5, padel tennis…). Une projection extrêmement ambitieuse quand on sait par exemple que l’Aquaboulevard réalise 550 000 entrées par an. Le chiffre d’affaire estimé par Bouygues serait de 4 à 5 millions deuros par an. Ces chiffres jugés crédibles par la MGP font trembler certaines associations et élus de Seine Saint-Denis. Si le taux de fréquentation ne suit pas, l’eau chlorée de la piscine pourrait avoir un goût amer pour les contribuables.

En attendant, le Président de la MGP demande ce vendredi au Conseil métropolitain de se prononcer par vote sur la désignation de l’équipement car comme il le précise aux élus : « Il y a en effet urgence car le permis de construire (…) doit être déposé en octobre de cette année. »

Le temps presse, il s’agit d’aller « plus vite, plus haut, plus fort ». La devise olympique n’est pas réservée qu’aux athlètes.

Alexandre Boyon
boyonalexandre