Le projet, révisé, d’agrandissement de Roland-Garros menace toujours une partie des serres d’Auteuil et l’organisation du quartier, dénoncent deux élus parisiens, Yves Contassot (EELV) et Guy Flesselles (ex-UDF), et deux militants associatifs, Agnès Popelin et Roger Lebon.
En 1991, la Fédération française de tennis (FFT) a pris un engagement. Dans le monde du tennis, entre gentlemen, un engagement ne se prend pas à la légère: il se réfère au fair-play, au respect mutuel et à l’élégance que ce noble sport a toujours promus entre joueurs.
En 1991 donc, alors que Roland Garros s’agrandissait dans le bois de Boulogne, la FFT s’est engagée solennellement à ne pas faire empiéter le tournoi sur le jardin botanique des serres d’Auteuil. La mention figure dans le rapport officiel de la Commission départementale des sites daté du 9 juillet 1991. Au cours de cette réunion, l’ancien maire du XVIe arrondissement a entériné les premiers engagements pris sept ans plus tôt par Philippe Chatrier (président de la FFT) auprès du conseiller d’arrondissement responsable de l’urbanisme, Guy Flesselles, de ne plus chercher à s’agrandir sur le site.
Deux décennies plus tard, en 2011, la promesse de la FFT s’est perdue dans les limbes. Piétinée par les impératifs du sport professionnel: médiatisation à outrance, rentabilité financière et prestige à tout prix. Le tournoi entend franchir la symbolique avenue Gordon-Bennett qui le séparait jusque-là du jardin des Serres d’Auteuil. Dans ce site intégralement classé et inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, un nouveau court de tennis sera érigé en sacrifiant une partie des serres présentes, en plein milieu des arbres (du moins ceux qui ne seront pas déracinés) et des collections de plantes rarissimes conservés dans ce havre de biodiversité.
La quiétude des riverains sera troublée pendant trois semaines par la foule de spectateurs se déversant dans l’arène jusque-là silencieuse. La circulation et le manque de stationnement nuiront au quartier et au bois de Boulogne: plusieurs milliers de véhicules pendant le tournoi et des camions de télévision occupant notamment le boulevard d’Auteuil. Le sport scolaire est en sursis, tributaire des calendriers de reconstruction d’équipements. Le chantier a d’ailleurs lieu à côté de la reconstruction du stade Jean-Bouin (pour le club professionnel de rugby du Stade français) et du Parc des Princes (temple qatari du PSG, lui aussi rénové en vue de l’Euro 2016). Tant pis pour le Grand Paris, tant pis pour les promesses régulières de la capitale de promouvoir ses voisins franciliens: tous ces prestigieux équipements sportifs resteront coincés dans le XVIe arrondissement, aux abords du bois de Boulogne.
Pourquoi alors ériger un grand court de tennis au sein du jardin des serres d’Auteuil? Selon la FFT, la compétition sportive internationale nécessite cette intrusion. Bilan: le tournoi passe de 8,5 à 13 hectares et demeure encore bien loin de ses cousins du Grand Chelem (Open d’Australie, Wimbledon, US Open) ayant tous une superficie comprise entre 16 et 20 hectares. Pour rejoindre ces prestigieux rivaux en perpétuel développement, doit-on alors s’attendre dans les années à venir à de nouvelles destructions de serres?
Dans un entretien accordé au Parisien le 4 février 2012, le directeur de la Fédération française de tennis Gilbert Ysern s’est voulu rassurant: le développement de Roland-Garros «ne se place pas dans une course au gigantisme et aux records de fréquentation». Mais que répond-il lorsque la journaliste lui demande si cette extension sera la dernière? «Je ne peux rien garantir. Cela me gênerait de prendre quelque engagement que ce soit sur le thème du “jamais”.»
Cette fois au moins, il affiche clairement ses ambitions. Il ne l’avait pas fait au printemps 2011, annonçant un coût de «modernisation» du tournoi de 273 millions d’euros. Cette évaluation se gardait notamment d’inclure les coûts du déménagement des prestigieuses collections végétales des serres d’Auteuil. Il est aujourd’hui de notoriété publique que le projet dépassera les 300 millions d’euros, Gilbert Ysern lui-même a été contraint de reconnaître des surcoûts dans l’édition du Figaro du 3 février 2012. Reconnaissance tardive? Si le seuil des 300 millions d’euros avait été annoncé plus tôt, la loi aurait obligé la FFT à organiser un débat public lourd et contraignant. Avec cette évaluation faussée, le chantier n’a été soumis qu’à une simple procédure de concertation.
La FFT promet aujourd’hui à qui veut l’entendre que le sacrifice du jardin botanique des serres d’Auteuil ancre le tournoi dans le développement durable. Et vous, la croyez-vous?
Yves Contassot, conseiller de Paris EELV
Guy Flesselles, ancien conseiller UDF du XVIe arrondissement, fondateur et président de l’Association pour la Protection du Bois de Boulogne
Agnès Popelin, présidente du Collectif Auteuil Les Princes
Roger Lebon, président de l’Association du Quartier du Parc des Princes (fondée en 1871)