PSG : merci les Qataris?
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Il y a eu récemment ces matches haletants face à Marseille, Lyon ou Porto. Il y a le retour à Paris de l’hymne enivrant de la Ligue des Champions, qui résonnera de nouveau au printemps sur la capitale. Il y a aussi les arabesques d’Ibrahimovic, qui accumule les buts spectaculaires. L’effet « chéquier QSI » (Qatar Sports Investments), reconnaissons-le, c’est un brin de magie au Parc des Princes. Sauf que ces enchantements ne sont au final pas si nombreux.

Sur le plan sportif, le nouveau titre anecdotique de « champion d’automne » masque un terne bilan pour le PSG. Double élimination prématurée en Coupe de la Ligue. Pas mieux pour l’heure en Coupe de France. Triste élimination dès les phases de poules en Europa League l’année dernière. Et pour couronner le tout, un dépassement humiliant par les (financièrement) modestes Montpelliérains en championnat en mai 2012. Titres accumulés pour l’heure: zéro ! Pas de quoi satisfaire une froide rationalité actionnariale, ni flatter le palmarès des aficionados.

Dans les tribunes justement, le bilan n’est guère plus reluisant. La coupure avec les supporters historiques, amorcée lors du courageux plan Leproux, n’a fait que s’accentuer avec l’arrivée de stars internationales étiquetées « bling-bling ». Kombouaré, entraîneur reconnu et ancienne gloire locale (le fameux PSG-Real Madrid de 1993…) a été remercié malgré des débuts encourageants. Sakho, titi parisien et emblématique capitaine issu du cru, n’est plus qu’une modeste doublure. A l’inverse, certaines vedettes récemment arrivées (Pastore, Thiago Silva) connaissent une intégration mitigée et rêvent à haute voix de retour en Italie. L’équipe représente ainsi de moins en moins la métropole : elle est devenue l’équivalent « nouveau riche » de Manchester City ou de l’Anzhi Makhachkala, homologues anglais et ouzbek bâtis artificiellement sur des fortunes similaires.

Le PSG se coupe du peuple parisien, élargi au-delà du cercle restreint des supporters. Comment s’identifier à un club qui verse 9 millions d’euros par an à Zlatan Ibrahimovic, mais seulement 436 euros mensuels à ses miséreux stagiaires? Comment succomber à l’élégance médiatique de Leonardo, quand on découvre dans la presse un courriel interne déplorable envoyé par le directeur marketing du club à ses subalternes? Comment, surtout, accepter les deux millions d’euros versés au club par la Ville de Paris en 2012 (subvention au club, à sa fondation, achat de billets et de prestations de communication), moitié moins en 2013, alors que les clubs sportifs locaux se serrent la ceinture pour donner aux gamins les moyens d’assouvir leur passion?

Dans une métropole marquée notamment par une terrible crise du logement, cet arrosage décomplexé de revenus financiers est par nature indécent.

Cet argent fou, c’est celui issu des pétrodollars, c’est-à-dire de notre consumérisme effréné et attentatoire à la planète. Et son effet n’est pas neutre, même quand les recettes augmentent et qu’elles satisfont la DNCG (l’organe de contrôle financier français). En Espagne, les investissements somptuaires de plusieurs grands clubs mettent la prestigieuse Liga au bord de la banqueroute. Certaines équipes ne parviennent plus à rémunérer leurs joueurs; les déficits se creusent malgré la mise en place tardive du « fair-play financier » par l’UEFA. Avec le carnet de chèque de QSI, encore gonflé par le contrat en or signé avec la Qatar Tourism Authority, le PSG alimente la bulle financière dans laquelle a déjà plongé le football européen… et hors de laquelle le championnat français avait jusque-là su courageusement se tenir à distance. Tôt ou tard, à force de gonfler salaires et transferts, l’éclatement guette : depuis l’épisode des subprimes, l’ampleur des conséquences est connue.

Enfin, l’afflux sans frein de capitaux se concilie mal avec l’urbanisme et l’environnement locaux. QSI a fait pression pour démolir et reconstruire le Parc des Princes (en vain pour l’instant), jugé trop en-deçà des prétentions du club. C’est un monument du patrimoine parisien qui est menacé, et qui pourrait déstabiliser encore le sud-ouest de Paris déjà soumis à tous les caprices du sport professionnel (reconstruction du stade Jean Bouin de rugby, extension de Roland-Garros). Désormais, les prétentions du club se portent sur le centre d’entraînement. Poissy et Montigny-le Bretonneux sont deux candidats sérieux dans les Yvelines. Dans les deux cas, le déménagement se ferait au sacrifice de dizaines d’hectares de terres agricoles en Ile-de-France. Refrain tristement connu des agriculteurs de Saclay ou de Notre-Dame-des-Landes…

Cibler tous ses points noirs n’est pas faire offense à QSI. Leur stratégie d’influence les conduit « généreusement » à tenter d’ériger un grand club européen dans la métropole. C’est leur droit. La question cible davantage les élus et les citoyens métropolitains. Fascinés par l’épaisseur du carnet de chèque, bercés par l’arrivée de noms prestigieux qui caressent le patriotisme local, a-t-on vraiment envie de jouer le jeu du grand casino sportif? Juste pour pouvoir nous vanter d’avoir battu Porto ou admiré Zlatan ? Ou préférons-nous rester humbles, mais fidèle aux valeurs du club et de son territoire, attachés à un sport convivial, qui reflète les talents locaux, financièrement sain, et respectueux de tous : stagiaires, agriculteurs et riverains compris.

Yves Contassot, Sylvain Garel, Christophe Najdovski, conseillers de Paris

Julien Bonnet, Arnaud Jean, Annie Lahmer, commission Sports d’Europe Ecologie – Les Verts