Une « langue de béton vert» pour adeptes de roller, skate et BMX vient d’ouvrir dans le 2e arrondissement de Paris. Après cinq ans d’obstination
Le baron Haussmann aurait-il apprecié qu’une rue par lui dessinée soit ainsi relookée ? Jacques Boutault, le maire écologiste du 2e arrondissement, s’en amuse. Il a inauguré hier – avec l’adjoint au maire de Paris en charge des sports, Jean Vuillermoz (PCF) – un espace de glisse vert fluo qui zigzague sur toute la longueur de la rue Léon-Cladel, entre les rues Réaumur et Montmartre. « C’est une véritable petite oeuvre d’art urbaine, une langue de béton coloré d’une centaine de mètres de long, résolument moderne, qui va donner un coup de jeune au quartier. Je kiffe ce projet », jubile l’édile. L’équipement, conçu par l’architecte Stéphane Flandrin, a coûté 280 000 €, financés à parts égales par la mairie du 2e, le conseil de quartier et la direction jeunesse et sports de laVille. Son inauguration a été suivie d’une démonstration de roller, skate et BMX.
« On pensait que ça ne passerait jamais»
Si le maire d’arrondissement en est si fier, c’est qu’il résulte de cinq années de « bagarre acharnée», raconte-t-il. En 2007, suite au démontage d’une rampe de glisse au jardin desHalles, des collégiens manifestent leur inquiétude. Leurs parents prennent le relais, ainsi que le conseil de la jeunesse et des associations de glisse, déplorant le manque d’équipements pour adolescents à Paris. La rue Léon-Cladel, alors ouverte aux voitures, est repérée. Elle offre l’avantage de n’abriter que des immeubles de bureaux (la Société générale et la Semaest) et aucune habitation. Il est décidé de rendre cette voie piétonne et d’y implanter un espace de glisse.
Mais les services de la Ville imposent des grilles de protection réglementaires tout autour de l’équipement. Ce que le maire refuse catégoriquement.
Une parade est alors trouvée, explique Jacques Boutault : «Nous avons déniché une directive européenne qui définit « l’espace public partagé », ouvert et accessible à tous, à pied ou sur roues. Jusqu’ici, on pouvait aménager soit un espace public, soit un espace ludique. Grâce à ce nouveau statut juridique, notre projet sans grillage devenait possible. C’est le premier espace public partagé de Paris. » Restait à obtenir l’autorisation des Architectes des bâtiments de France (ABF). « On pensait que ça ne passerait jamais. Surprise: ils ont trouvé notre projet tellement innovant qu’il en devient presque un geste architectural. » Personne ne saura jamais si Haussmann aurait aimé cette langue verte en plein coeur de Paris. Mais Jacques Boutault, lui, ne se remet pas de son audace.
BERTRAND GRÉCO