Grand stade de Rugby en Essonne: un projet anachronique
Partager

Dans le cadre du débat public sur le projet de Grand Stade de Rugby situé sur l’hippodrome de Ris-Orangis dans l’Essonne, qui se tient jusqu’au 21 février prochain, EELV 91 a apporté sa contribution à cette concertation par l’élaboration d’un cahier d’acteur. Après ce débat, la maîtrise d’ouvrage prendra une décision sur la suite donnée au projet : sa poursuite, sa modification ou son abandon.

EELV 91 insiste sur l’absurdité du projet en termes de modèle économique, de capacité, de coût, d’impacts sur l’environnement, notamment sur la biodiversité.

Voici le cahier d’acteurs proposé par EELV 91.

Un Grand projet inutile daté dans sa conception du développement

La phrase introductive de la synthèse du dossier du maître d’ouvrage est honnête sur la finalité du projet du grand stade : développer le rugby en France et assurer la croissance des ressources de la FFR. Ce projet satisfera avant toute chose des besoins qui sont d’ordre privé.

Dans le dossier, les responsables de la FFR insistent sur son statut d’association nationale déclarée d’utilité publique et sur ses missions de service public, pour lesquelles elle perçoit des subventions et aides au fonctionnement de la part de l’Etat. Ses projets de développement devraient être conçus et inscrits dans une logique d’intérêt public.

Par ailleurs, les collectivités territoriales sont appelées à supporter financièrement les lourds aménagements nécessaires à la réalisation du projet et à l’accessibilité de l’équipement, pour un coût d’au minimum 118 M€. Ceci diminuera leurs capacités d’investissement dans d’autres projets, en particulier dans le domaine de la rénovation des installations sportives du département, indispensable à la pratique des centaines de milliers de sportifs et à l’offre variée de spectacles sportifs de haut niveau ; spectacles proposés régulièrement par les clubs du département, à un public passionné et populaire.

Il convient d’interroger l’intérêt pour la collectivité nationale de la construction d’un tel équipement, de son implantation en Ile-de-France et de son impact environnemental, économique et social sur le territoire choisi.

Le fait de posséder son propre stade est-elle la seule solution pour développer le rugby en France ? Nous constatons que de grandes nations du Rugby (Nouvelle-Zélande, Australie et Afrique du Sud) s’en passent sans problème, et que la FFR a quasiment doublé le nombre de ses adhérents  depuis 2004, sans son propre stade.

Nous considérons que, si nécessité de construction il y a, elle doit s’inscrire dans une logique de rééquilibrage de l’aménagement du territoire national. La concentration des grands équipements en Ile-de-France contribue à empirer les problèmes de transports tant de la région capitale que ceux des dessertes des grandes métropoles régionales.

La maitrise d’ouvrage se félicite du caractère « girondin » du projet, l’Etat laissant la FFR et les collectivités territoriales le gérer. Nous regrettons que le jacobinisme l’ait emporté à la FFR en décidant d’office de son implantation en Ile-de-France.

La maitrise d’ouvrage assène que la construction d’une deuxième enceinte de cette capacité dans la région sera sans conséquence sur la rentabilité économique du Stade de France. Pourtant celui-ci, propriété de l’État, comptant sur à peine 26 événements par an, tire plus d’un quart de son chiffre d’affaires des matches de rugby. Il serait sérieusement menacé par la concurrence d’un nouveau stade de taille équivalente dans une région qui compte d’autres lieux pouvant accueillir des matchs de Rugby.

Le Conseil Général de l’Essonne se portera garant de l’emprunt effectué par la FFR pour financer ce projet en méconnaissant les risques du projet : la FFR peut-elle garantir que la Coupe d’Europe des Clubs existera toujours dans 5 ou 10 ans ? Ou que le fait que le Rugby à 7 devienne sport olympique dès 2016 sera sans conséquence sur la fréquentation des stades de Rugby à 15 ?

 

Quel modèle économique ?

Le modèle économique présenté par la maîtrise d’ouvrage fait état d’un « Colisée du XXIe siècle», qui pour sa rentabilité, a besoin d’un « pôle de vie, actif toute l’année regroupant une offre entièrement nouvelle tournée vers les métiers et l’économie des sports ».

Que ce pôle, non détaillé dans le projet, soit une énième zone commerciale, ou un nouveau parc d’attractions à 30 kms de Paris, se pose la question de sa viabilité économique ainsi que la justification de l’affirmation par la maitrise d’ouvrage, de la création nette de milliers d’emplois sans prendre ceux-ci sur les 5 zones commerciales situées dans un rayon de 10 kms. Il nous apparaît qu’en l’état du projet, les seuls emplois garantis sont les 80 à 100, liés à la gestion du stade. Ce pôle risque d’entrer directement en concurrence avec des zones d’activités existantes :

– commerciales : La Croix blanche – Evry II   – Villabé – Art de vivre à Corbeil-Essonnes – Promenades de Brétigny – Carré Sénart – Cœur d’Orly

– de loisirs sportifs : base d’Etampes, base nautique du Port aux cerises, parc aventure Floreval à Bruyères le Châtel, Base Régionale de Loisirs et de plein air de Buthiers.

De plus, ce pôle s’insérerait dans un territoire qui a  une densité commerciale élevée de 1 269 m2 par habitant dont 20 % des cellules sont vides selon un récent rapport de la Chambre de Commerce et d’Industrie. L’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la région dans une note de décembre 2013 titre : surproduction de surfaces commerciales : vers une bulle immobilière ? Nous nous interrogeons sur la viabilité du modèle économique de cette zone d’activités.

 

Desserte du stade et transport: L’impasse d’un modèle de mobilité

«Grâce au stade, nous aurons enfin l’amélioration des transports », ce discours des élus du territoire oublie les énormes programmes d’investissement qui sont en cours sur le RER D d’un montant de 653 Millions d’euros, pour rattraper 40 années de sous investissement. Ces investissements ne prennent pas en compte les besoins du stade.  

Si nous analysons ceux du stade de France situé à environ 5 kms de Paris : 80 000 spectateurs qui utilisent à 70%  les transports en commun, accessibles par bus et à l’aide de 3 gares sur 3 lignes :

  • Le RER B à 10 minutes à pied du stade.
  • Le RER D à 15 minutes à pied du stade.
  • Le Métro ligne 13 à 5 minutes à pied du stade.

Une adaptation du plan de transport est faite à chaque match pour assurer une capacité de transport en fin d’évènement de l’ordre de 50 000 passagers par heure sur les deux RER. Ceci correspond à une fréquence de trains de 3 à 6 minutes.

Devant ce modèle, le dossier du maître d’ouvrage dit évacuer 50 000 personnes par les transports en commun sans tenir compte des possibilités réelles de déplacement. Il oublie que le RER D a 3 branches: Sénart, Val de Seine et Evry-Courcouronnes, qui se rejoignent entre Villeneuve et Paris (tronçon saturé), et qu’aucune ne peut s’arrêter de fonctionner pour le stade.

L’achat de 20 rames supplémentaires nécessaires est évalué à 20 M€ alors que c’est au minimum 320 M€. Pour les besoins du grand stade, le tram train Massy-Evry doit transporter 10 000 voyageurs par heure quand il est dimensionné pour 3 000 aujourd’hui. De même, la gare du Bois de l’épine doit pouvoir évacuer 20 000 voyageurs par heure, alors qu’aujourd’hui elle en évacue 12 000 par jour au maximum.

Tout cela démontre que l’offre transport n’est pas adaptée au besoin du grand stade et qu’il n’est pas prévu d’investissements pour l’adapter.

 

Un impact sur la biodiversité sous-estimé

Les inventaires menés sur le site d’implantation démontrent un patrimoine floristique et faunistique exceptionnel sur ce territoire. La seule carte des espèces protégées au niveau national, est impressionnante, mais elles se situent pour la plupart sur le périmètre du projet et seront directement impactées par celui-ci.

Le maitre d’ouvrage l’a compris, ce qui le conduit à afficher une ambition : « développer la qualité environnementale du site ». Mais, dans l’explication de ce « développement », nulle mention des espèces protégées et de leur prise en compte dans le projet. Plus inquiétant : il est question plus loin de « gestion différenciée des espèces protégées », concept qui n’a pas de sens scientifique ou naturaliste.

Cela démontre au mieux un discours totalement communicant et sans fondement, plus vraisemblablement une méconnaissance et un mépris total des enjeux naturalistes locaux.

Cet amateurisme sur les questions liées aux espèces protégées, au-delà d’un manque de dimension environnementale coupable, risque d’avoir des conséquences financières et techniques désastreuses sur le projet. La réglementation impose à tout projet ayant un impact sur des espèces protégées d’éviter tant que possible ces impacts, de réduire les non évitables, et en dernier recours de les compenser. Procédure qui est mentionnée de façon minimaliste dans le rapport d’études sur les impacts naturalistes du projet.

Sur ce projet, les impacts pressentis seront très élevés, et assez peu évitables. Les mesures de réduction et de compensation seront donc importantes et représentent un surcoût de 5 à 10% du montant total du projet.

Les porteurs du projet ont indiqué que le bois de Saint-Eutrope serait l’emblème de leur projet. Déjà mis en péril par l’urbanisation et les routes, il ne supporterait pas les milliers de visiteurs que va générer le projet. Il est nécessaire de faire de ce bois un sanctuaire pour la faune et la flore et le promouvoir via les associations de protection de l’environnement.

 

Les 8 erreurs ou approximations du maître d’ouvrage

1°) Prétendre que l’attractivité parisienne ne s’exercera pas et que les spectateurs resteront sur le territoire.

2°) Un cluster du sport qui reste un slogan sans contenu réel

3°) Une concurrence mortelle des zones commerciales

4°) Un modèle de mobilité en transport en commun impossible

5°) Une méconnaissance totale des enjeux environnementaux locaux

6°) Un discours creux et sans fondement sur l’impact du projet sur la faune et la flore locaux

7°) Des surcoûts prévisibles totalement ignorés

8°) Des chiffres non étayés sur le nombre de créations d’emplois

 

Alors, on ne fait rien ?

Pour dynamiser le territoire et créer des emplois, il existe pourtant d’autres alternatives. Ces alternatives ne passent pas forcément par l’urbanisation de la totalité des 130 ha de la zone du projet.

Le site devant accueillir le Grand Stade est situé sur le plateau de Vert le Grand, constitué de 6 500 hectares de terres agricoles parmi les plus fertiles de France. Le marché des produits biologiques a représenté 4 milliards d’euros en France en 2012, et la production de produits issus de l’agriculture biologique a une croissance annuelle de 10 % depuis 10 ans. De plus, l’Ile de France dispose déjà de près de 170 exploitations agricoles bio dont les produits ont besoin d’être transformés pour nourrir les franciliens. Enfin, l’Ile-de-France ne produit que 10% de ses besoins alimentaires.

Nous disposons d’ors et déjà sur le territoire de plusieurs enseignes qui distribuent des produits bio transformés, des grandes surfaces Biocoop et Cœur de Nature à Brétigny, Naturéo à Ballainvilliers aux plus petites enseignes, ce qui représente pas moins de 800 magasins bio uniquement en Essonne.

Pourquoi ne pas miser sur une industrie d’avenir et, forts des 100 hectares qui sont attribués à l’agriculture biologique sur les anciens terrains de la Base Aérienne 217, proposer aux industriels un site de transformation des produits issus de l’agriculture biologique, là où auparavant une l’ancienne biscuiterie LU fabriquait, avec une bonne rentabilité, ses produits avec près de 600 salariés ?